Allongée sur son lit, les bras sous sa tête et le regard fixé vers le plafond, on pouvait clairement voir tout le noir qui avait coulé de ses yeux. BoBae n’avait pas bougé, pas depuis trois heures en tout cas. Elle était là, à réfléchir sur sa vie, sur ses choix. Pour la première fois, elle doutait. Et je peux vous dire que c’était la dernière chose qu’elle avait envie de faire après toutes ces années de pur asservissement. Elle se sentait mal, elle avait juste envie d’oublier. D’oublier cette affreuse après-midi, de ne plus y penser. Mais c’était impossible. Et puis après plusieurs heures à pleurer, tellement fatiguée, elle s’endormit.

Quand elle se réveilla, il était déjà presque 20h. Il était peut-être temps de bouger son petit cul. Déjà, il fallait qu’elle se change et surtout il était absolument nécessaire qu’elle se démaquille. En se regardant dans le miroir, elle constata qu’elle avait une mine à faire peur un mort-vivant. Délicatement, elle enleva le noir sous yeux pour laisser apparaitre un regard rougit par les larmes. Finalement, elle descendit dans le séjour pour avoir un peu de compagnie, elle en avait besoin. Ce n’est pas ses parents qu’elle trouva en bas, mais sa petit-sœur assise sur le canapé avec SaeHee. « Salut. » lui dit-elle sur un ton nonchalant. C’était bien la dernière personne qu’elle avait envie de voir. Vous voyez, après la journée qu’elle venait de passer, ce n’était vraiment pas le meilleur moment pour des leçons de morale. BoBae fit de son mieux pour ne pas se montrer contrariée. « J’me rappelais plus que mes parents sortaient ce soir. ». Evidemment ! Elle avait été bien trop occupée à se morfondre sur elle-même comme une petite pucelle ! Même si la jeune fille n’avait aucune envie de rester dans le séjour, elle préférait encore ça à rester seule dans sa chambre. Du coup, Bo se jeta sur le canapé d’en face. « Vous faites quoi ? ». La petite sœur de BoBae semblait perplexe, mais qu’est-ce qui lui prenait à celle-là .

A l'arrachée, elle prit un manteau, une écharpe et enfila à demi ses chaussures qu'elle finirait de mettre en march-- courant. Elle n'était pas coiffée, pas maquillée, avait des cernes jusqu'aux pieds et encore du dentifrice dans le coin des lèvres. Bref. Sae Hee, dans toute sa splendeur, s'était réveillée quarante minutes en retard un jour d'examens et n'aurait bientôt plus que ses yeux pour pleurer. Tant pis. C'était sa faute. Elle courait donc vers l'arrêt de bus pour essayer d'en choper un à la volée, étouffé par la chaleur du remue-ménage intérieur et grisée par le froid de la saison. On lui avait dit que les portes se fermaient à neuf heures cinq précises, il était huit heures cinquante. Était-ce seulement possible ? A moins que Batman ne s'élance et lui vienne en aide : c'était bel et bien mort. Et finalement, elle s'arrêta. « PUTAIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIN. » Elle était maudite. "Alors là, ma pauvre petite, tu crains." Et si en plus Mogsoli venait remuer le couteau dans la plaie, elle n'aurait qu'à se jeter d'une falaise. Alalah. Bref, cet élégant cri qu'elle venait de pousser n'était que le reflet de son désespoir profond. Elle avait oublié l'essentiel, dans tout ça. Son sac.

~ ~ ~

Toc Toc Toc. Oui, d'accord, ce n'était peut-être pas la meilleure idée du siècle de venir emmerder Bo Bae avec ses problèmes alors qu'elle avait probablement les siens aussi. De toute façon, comment ne pas avoir de problèmes quand on entend Mogsoli, je vous le demande. Mais la pauvre petite Sae Hee venait de voir son avenir se prendre une raclée le matin-même, il lui fallait donc un peu de boost. Et qui de mieux qu'une grande sœur pour ça ? En théorie rien, mais c'était Bo Bae. Dans tous les cas, Sae Hee ne voulait pas rester toute seule chez elle et faire chier la demoiselle, c'était pas mal non plus. (…) En attendant qu'elle daigne pointer le bout de son nez, la plus jeune se plut à discuter avec la petite sœur de service, ça faisait de la compagnie. Puis enfin, Choe Bo Bae sortit de son placard. « Salut Unnie ! ♥ » Le petit sourire qui s'était joyeusement installé sur le visage de Sae Hee disparut bien vite en voyant la tête qu'elle faisait. « … On parlait. Toi par contre, tu es malade ? Tu as pleuré ? Tu as oublié de dormir... ? » Toujours se soucier de la tête de Bo Bae.

Spoiler:

Les deux jeunes filles se connaissaient depuis quelque temps déjà. En fait, depuis que les parents de BoBae avaient décidé de prendre une nounou pour la plus jeune de leur fille. Toutes deux au troisième stade, elles n’avaient absolument pas du tout la même opinion sur Mogsoli. Mais ce n’était pas bien difficile avec Bo de toute façon, étant donné qu’elle partait toujours à l’extrême quand il s’agissait de la voix. Pourtant ce soir, son discours serait peut-être d’un gout un peu plus amer, vu ce qu’il s’était passé dans la journée. Le point positif : ses parents n’étaient pas là. Donc si elle voulait parler avec SaeHee, elle pourrait le faire en toute tranquillité, sans regarder toutes les cinq minutes autour d’elle pour voir si on l’écoutait. Quand ils entendaient leur fille parlait de Mogsoli comme elle le faisait, ils avaient tendance à la reprendre sans se soucier de ce qu’elle pouvait penser. Mais là n’était pas le sujet, puisqu’ils n’étaient pas là.

Dès le début de la phrase de SaeHee, BoBae se releva aussitôt, comme pour échapper à la jeune fille. Mais elle savait que ça ne serait pas possible. Et pour une fois, elle n’avait pas envie de fuir. Elle avait besoin d’en parler, qu’on la rassure. Par simple habitude, elle se dirigea vers la cuisine avant de revenir avec des gâteaux. Les larmes aux yeux, elle se rassit en face de SaeHee. « J’ai fait une bêtise, SaeHee. ». Elle s’adressa ensuite à sa petite sœur en lui demandant d’aller leur dessiner quelque chose dans sa chambre. Bo croisa les jambes sur le canapé avant de prendre un gâteau. « Et c’est à cause de Mogsoli. ». Elle baissa la tête, sachant très bien comment aller tourner cette discussion. Mais il fallait qu’elle entende tout ce que Sae avait à dire, c’était pour son bien. BoBae comprenait mieux pourquoi ses parents ne voulaient jamais qu’elle garde sa petite sœur. Et si quelque chose de grave lui arrivait simplement parce qu’elle avait écouté la voix…