La journée avait été douloureuse, principalement parce qu’il avait terminé les cours de rattrapage tôt et qu’il avait pris son service au salon de thé jusqu’à tard dans la soirée, bien après que l’heure du repas soit dépassée. Taehyun poussa un soupir en enfilant son t-shirt – car il travaillait dans un costume – il était déjà vingt heure passée et il doutait sincèrement que sa très chère mère ait prévu de quoi le nourrir en rentrant. Peut-être même qu’elle attendait qu’il rentre pour s’occuper de tout ça lui-même. Elle prétextait qu’elle n’avait pas le temps à cause de son travail alors que c’était tout simplement par pure fainéantise. Au lieu de ça elle passait ses soirées entières à regarder des séries télévisées américaines qui parlent de toutes sortes de choses pas vraiment intéressantes, d’amour, de sexe, de disputes puériles. Taehyun abandonnait régulièrement en cours de route quand le sommeil le gagnait dans le canapé et, comme un idiot, il se retrouvait tout seul au petit matin. Bref, il connaissait la chanson ; c’était à lui de se débrouiller pour faire les achats. Il sortit donc de l’établissement en connaissance de cause, fermant soigneusement derrière lui pour se diriger vers la première supérette – encore ouverte – du coin. Il contenta de prendre les premières choses qui lui tombaient sous la main, cherchant au plus facile puisqu’il n’avait pas le courage de se lancer dans de la grande cuisine aujourd’hui. Que cela plaise à sa mère ou non, d’ailleurs, il n’était pas son sous-fifre.

Il pénétra dans son appartement quelques minutes plus tard, peut-être une heure ? Le salon n’était pas très loin mais le petit achat éclair impliquait forcément un détour. Taehyun pouvait très clairement entendre la télévision tourner dans la pièce d’à côté, jusque-là ; rien d’étrange. « je suis rentr-. » mais une autre voix l’arrêta dans sa course. Celle d’un d’homme, visiblement, une voix qu’il ne connaissait pas et qui ne ressemblait en rien à celle de Jungsu – la sienne ne l’interpellait plus vraiment, avec le temps – le garçon fronça les sourcils tout en déposant ses sacs sur le comptoir de la cuisine, il se dirigea ensuite machinalement jusqu’à la pièce occupée avant de se stopper net devant la silhouette inconnue. Bon sang, c’était quoi cette nouvelle lubie ? Il oublia totalement les bonnes manières et lâcha un gros « t’es qui toi ? ».

Plus sa semaine avançait, plus elle devenait pénible. Il ne comprenait même pas comment il réussissait à tenir debout, à vrai dire, avec tout ce qu’il devait faire ces derniers temps. Se rendre à ses cours tous les jours, essayer d’être attentif et de ne pas rendre des projets trop foireux afin de réussir son année, mais également se rendre au club trois soirs par semaine, gérer jin ah qui lui reprochait de plus en plus son manque de temps, et surtout, s’occuper de madame choi. Oui, c’était le dernier bon plan qu’il avait trouvé, cette femme l’avait accosté devant l’entrée du club ou il bossait alors qu’il quittait son travail et lui avait réclamé un peu de compagnie. Depuis quelques semaines il passait parfois ses nuits avec elle, contre rémunération. Parfois un après-midi aussi, ça dépendait. Elle était embêtante, l’empêchait d’avancer ses projets, mais elle en valait le coup.. il avait découvert au fil du temps que madame choi pouvait se montrer très généreuse.

Et aujourd’hui, alors qu’il était sur le chemin pour rentrer chez lui, elle l’avait appelé, minaudant au téléphone, lui disant qu’elle se sentait seule et que son fils ne serait pas là avant tard dans la soirée. Il n’avait pas refusé – Il profitait de l’occasion, il n’aurait qu’à prendre des vitamines le lendemain. Il avait donc bifurqué vers la maison de sa toute nouvelle.. conquête, et dix minutes plus tard, il se retrouvait à frapper à sa porte. Elle lui sauta au cou, bien entendu. « Innie ! t’as fait vite ! » elle laissa échappe un petit rire, et il força un sourire tout en la regardant. « j’avais hâte de vous voir, madame choi. » - « oh, appelle-moi nayung, je te l’ai dit cent fois ! » il s’excusa, promettant qu’il allait le faire la prochaine fois.

Il avait passé ainsi plus de trois heures avec elle, à boire un thé, parler, regarder un soap-opéra pourri, sans bien comprendre ou elle voulait en venir. Mais alors qu’elle allait l’entraîner à l’étage, la porte de la cuisine s’ouvrit sur un jeune homme anormalement grand et maigrichon. In ho haussa les sourcils à sa question. « heu… song in ho ? enchanté. » - « c’est mon nouveau copain tae ! » il se retint de grogner, se disant qu’elle était définitivement embarrassante en observant le jeune homme, qu’il devinait être son fils.

Son nouveau copain, disait-elle ! Le sol s’était dérobé sous ses pieds à l’instant même où elle avait ouvert la bouche pour sortir ses âneries. Oh ce n’était pas la première fois que sa mère avait des idées farfelues. Elle prenait même un malin plaisir à en trouver une pire à chaque fois et Taehyun se demandait-même si ce n’était pas uniquement pour l’emmerder. D’ailleurs à cause d’elle il n’avait même pas retenu le nom du type. Mais il s’en fichait comme de sa dernière tétine, pour être franc, la seule chose qui l’intéressait actuellement c’était l’état mental de sa génitrice. Il s’insurgea « tu rigoles, maman, ce type est pas plus âgé que moi ! tu fais du détournement de mineurs maintenant ? » bon, peut-être qu’il abusait, peut-être qu’il se trompait aussi sur l’âge du concerné – qu’est-ce qu’il avait dit déjà ? insoo, injoo ? peut-être même inho, qu’importe – mais il doutait sincèrement que ce dernier soit beaucoup plus âgé que lui. Il y avait anguille sous roche, comment diable ce type pouvait-il sortir avec sa mère ? Ce n’était objectivement pas possible à moins qu’il adore les « milf » comme le disait si bien son ami jungsu.

Taehyun lâcha un petit rire, glissant ses mains à sa taille. Il avait l’impression d’être le cheveu dans la soupe, peut-être même qu’elle avait espéré ne pas le voir rentrer ce soir. Au moins, elle aurait pu faire ce qu’elle voulait avec l’invité surprise, mon dieu, il fallait qu’il se vide tout de suite l’esprit de ces images mentales qui s’imposaient à lui. Depuis combien de temps fréquentait-elle ce type ? Depuis combien de temps l’invitait-elle chez eux sans rien lui dire ? Avec elle, tout pouvait être possible. Il n’en doutait plus après avoir passé dix-neuf ans en sa compagnie. Lorsqu’elle voulait quelque chose, elle était bien pire que mogsoli, elle faisait absolument tout pour y parvenir. Et puis, en y réfléchissant bien … « attends, me dis pas que tu le payes hein ? il pivota son regard interloqué vers le type qu’il avait ignoré jusque-là pour lui parler plus sèchement t’extorquerais pas de l’argent à ma mère, toi ? » il savait pertinemment bien que tout ceci pouvait tourner au vinaigre à tout moment mais, pour le coup, il n’avait pas la moindre envie de se retenir pour lui faire comprendre sa façon de penser.

Certes, il savait qu’elle avait un fils, il ne s’attendait juste pas vraiment à ça. C’est qu’il était plutôt mignon, si on passait au-dessus de son air scandalisé. Et surtout, in ho ne l’avait pas imaginé aussi grand. . Il n’avait de toute façon jamais intégré le « mon fils à le même âge que toi ! » c’était déjà bien assez étrange comme ça, il avait préféré oublier ce détail. Il mordilla ses lèvres, se retenant de rire en entendant le garçon presque engueuler sa mère. Mais où était-il tombé – ça se trouve il était même plus âgé que lui, et en plus, il n’était peut-être pas majeur au sens propre selon les lois coréennes, mais il avait bien passé l’âge de faire ce qu’il voulait concernant ses relations sexuelles. Il resta là, s’appuyant contre un mur, un moment tout en observant la scène, ne se sentant pas tellement concerné avant l’intervention du jeune, à laquelle il haussa simplement les sourcils, le même air nonchalant au visage. « extorquer ? ha non, je la force à rien moi, c’est elle qui m’appelle. » et il haussa les épaules. Ce n’était que la vérité, après tout. Il ne l’avait forcée à rien, cette femme, c’est elle qui lui avait proposé cet arrangement en premier lieu, il en avait conclu qu’elle se sentait seule et qu’elle avait besoin d’un peu de compagnie. Quant à lui, il avait besoin d’un peu d’argent, étant tout de même très juste même avec le salaire que le club lui accordait. Il ne fallait pas être un génie pour automatiquement flairer le bon coup. « et ne soit pas si insultant voyons tae, innie est un très gentil garçon ! » encore une fois, il aurait bien voulu rire, mais il s’abstint, adressant un sourire qui semblait très sincère à madame choi. « tu vois, je fais rien d’illégal. » il fit claquer sa langue contre son palais, les yeux fixés sur le grand maigrichon maintenant. Situation étrange, mais plutôt amusante, au fond, il s’en accommoderait.

Il n’avait pas honte, peu importe ce que l’autre stick pouvait bien penser. Il n’avait pas honte, parce que lui-même, il était en situation de survie, et il n’y avait foutrement rien de plus mal à gagner son pain de cette façon qu’autrement. Il se débrouillait même bien mieux que pas mal de gens de son âge, eux étaient trop occupés à s’occuper des caisses de supermarchés ou à servir des clients tous plus aigris les uns que les autres dans des fast food. Lui, il vivait dans le monde du plaisir, des extravagances, de la beauté. Et même si son véritable job s’éloignait un peu de ce qu’il faisait avec madame choi – il gagnait aisément un tiers de ses revenus du mois grâce à elle ! Il n’était même pas cher, certains réclamaient beaucoup plus. Lui, il n’avait même pas réclamé, elle l’avait payé une première fois, et il avait accepté son offre, depuis lors, elle le payait toujours la même chose, à moins qu’il ne reste plus longtemps que prévu. Sa petite routine s’était installée, et honnêtement, il s’en tapait bien que les choi aient des problèmes d’argent ou non, qu’il en soit la cause ou non. Il sortait la tête de l’eau, c’était le seul but de la manœuvre, les autres, qu’ils se démerdent.

Il poussa un soupir, un petit sourire lasse au visage alors que l’autre garçon – plus jeune que lui ? ou pas.. il n’était pas sûr – lui disait bien gentiment de dégager de chez lui. « oh ça va, j’ai déjà passé des nuits ici et tu m’as même pas calculé, t’as qu’à faire comme si j’existais pas. » Il n’avait pas raison ? Bien sûr qu’il avait raison. Il avait passé au moins trois nuits chez elle dans la semaine, et il n’avait pas une fois croisé le garçon ! ils étaient présentés, c’était bien joli, mais le globe ne s’arrêterait pas de tourner pour si peu. « et ta chère maman est assez grande pour prendre ses décisions, je crois. » il passa sa langue sur ses lèvres. Peut-être était-il provocant, voir arrogant, et que l’autre allait mal le prendre. Mais n’avait-il pas raison, au fond ?

Son air supérieur commençait sérieusement à lui taper sur les nerfs, non, franchement, pour qui se prenait-il ce blanc bec ? Taehyun fronça les sourcils tout en serrant les poings, il fallait qu’il se retienne sinon il allait lui sauter dessus et le faire dégager encore plus vite que prévu. Jusqu’à preuve du contraire il était le seul homme de la maison et c’était à lui que les décisions revenaient. Encore plus maintenant que sa mère régressait au point de claquer son fric n’importe comment. Oh il se doutait bien que cet arrogant de service s’en fichait éperdument. Lui-même devait avoir une grande nécessité pour se plier aussi bas. « peut-être parce que je ne suis pas là ? » pourquoi s’emmerdait-il à lui donner des explications. Il le prenait au dépourvu, là. Ce sale petit gigolo avait décidément réponse à tout et plus les minutes s’écoulaient, plus il se mettait à son aise, prenant possession de l’environnement comme si c’était tout à fait normal

Tae lâcha un petit rire à la seconde réflexion du garçon, c’est qu’en plus il se plaisait à vanter les actes de son amante ; histoire d’être sûr d’être payé en fin de soirée et de ne pas perdre cette si bonne cliente. « si t’allais plutôt chercher une aide sociale au lieu de faire ce que tu fais ? et, visiblement, non elle est pas assez grande. » il lança un regard accusateur à sa tendre mère, celle-ci fit la moue et vint automatiquement se pendre au cou du gigolo. Bon dieu, que cette vue était horrible. Il avait envie de lui cracher au visage et le mettre dehors à coups de pied au derrière. Il avait également envie de secouer sa mère comme un prunier pour qu’elle reprenne conscience de ses actes mais c’était peine perdue. Lentement, Taehyun glissa une main dans ses cheveux. À tout bien réfléchir, il n’avait qu’une envie, celle de foutre le camp dans sa chambre et ne plus jamais les revoir. Mais ça voulait dire aussi qu’il devrait se passer de travailler – et donc de gagner de l’argent pour vivre – et d’aller à l’école – pour pouvoir gagner plus d’argent justement. Dilemme. Il s’adressa soudain à sa mère, de façon méchante et quelque peu vexée, comme un père à sa fille ; « quand t’auras plus de fric, compte pas sur moi pour payer ton gigolo. »

« ben moi ça change pas ma vie que tu sois là ou pas, hein.. donc. » il savait que son petit sourire arrogant et que son air calme avait un effet sur l’autre garçon, et pour tout dire, ça l’amusait un peu. Il avait une tête à s’énerver facilement, de toute façon, et ses yeux étaient si gros qu’ils ressortaient comme d’énormes billes dès qu’il lâchait une phrase un peu plus piquante. Il aurait pu rire, mais il se retenait, madame choi était encore dans la pièce, et il ne pouvait pas être trop méchant avec le rejeton, il ne tenait pas à être.. « viré » tout de suite. Il allait encore en profiter quelques semaines, peut-être mois, puis il se doutait que cette femme se lasserait et en trouverait un autre à entretenir. Il s’en fichait, lui aussi il s’en trouverait une autre, maintenant qu’il savait qu’il pouvait, ce n’était pas bien compliqué d’en choisir une et de lui proposer quelques semaines de bonheur. Artificiel, certes, enfin, ils devaient bien le savoir quand même, en approchant un type dont le job consiste à se déshabiller devant une foule.

Il fronça les sourcils à la réponse du gamin, se redressant même dans un vain espoir de paraître plus grand, et surtout, chez lui – même s’il ne l’était pas. « une aide sociale ? j’ai pas besoin d’aide sociale, jsuis pas un clodo. et nayung est bien plus agréable que l’aide sociale. » il s’étira alors, faisant quelques pas en regardant autour de lui, ne paraissant pas le moins du monde gêné. Pour ce soir, il était chez lui, et quoique l’autre gringalet dise, il ne partirait pas. Il avait déjà dû marcher dix minutes de plus pour la rejoindre alors qu’il s’apprêtait à rentrer, il ne ferait pas demi-tour, surtout qu’il n’avait pas encore payé son loyer. Il passa une main autour de la taille de madame choi – ou nayung, comme il se devait de s’adresser à elle – son petit sourire étirant à nouveau ses lèvres. « soit sans crainte mon grand, je suis pas assez sans cœur pour te laisser me donner tes pauvres économies en guise de paiement. » madame choi sembla ravie par sa réponse, s’exclamant qu’inho était un garçon très bien et que son fils, taehyun de son prénom apparemment, n’avait vraiment aucune raison de faire un scandal. Et oui, inho gagnait toujours.

Taehyun avait l’impression de se battre contre un mur, ou bien deux, puisque l’invité surprise était soutenu par sa propre mère. Pensez bien, il fallait qu’elle dorlote son petit jouet comme il se doit. C’est triste à dire mais, même tae, elle ne l’avait jamais câliné autant. Une maman jeune, c’est cool, oui, ça reste dans l’air du temps, mais tout de même. Ça ne l’intéressait pas du tout d’avoir une maman à mi-temps et une copine tout le reste. Mince, ne pouvait-elle réellement pas prendre ses responsabilités ? Deux choix s’offraient à lui. Le premier, le plus rude et le plus expéditif consistait à empoigner ce type et le foutre dehors comme un bon clochard pour finalement lui refermer la porte au nez. Mais cela allait impliquer un combat possible entre eux deux, et des cris insupportables de sa mère pour le restant de la soirée. La seconde option, elle, consistait à baisser les bras et retourner dans ses appartements en cherchant des boules quies pour essayer de passer une soirée agréable. Actuellement, tout, absolument tout l’emmerdait au plus haut point. Déjà qu’il suivait des cours de rattrapage et qu’il avait bossé quasiment tout l’été pour vivre, voilà qu’il était obligé de supporter les singeries des autres. Il venait d’encaisser pas mal de choses et ce type ne faisait qu’en remettre une couche en appelant sa mère par son prénom et en le traitant de « mon grand ». Rien à faire, il le cherchait.

Sans réfléchir, Taehyun se rua sur lui, écartant fermement sa mère au passage en la tirant sur les épaules. Il empoigna alors le col du gigolo, le soulevant lentement sans pour autant le faire léviter au-dessus du sol – et non, ce n’était pas superman non plus ! « écoute-moi bien, sale petit … » il se stoppa net quand mogsoli fit irruption dans sa tête. Il se mordilla les lèvres, tout en fermant les yeux allons allons, ne le tape pas. regarde son joli minois… je t’en voudrais vraiment très fort, moi, pourquoi est-ce qu’il se tape ta mère. c’est dommage il pouvait presque l’entendre soupirer d’ennui repose-le, tout de suite elle avait raison, il ne devait pas se salir les mains pour un type comme lui et, après l’avoir assassiné pour la 40eme fois du regard, il remarqua quelque chose ; « tu serais pas sur le campus, toi, par hasard ? »

Inho n’était pas un bagarreur, il préférait s’en aller, généralement. Mais quand à impliquait son salaire du mois, c’était tout autre chose. Il en bavait maintenant depuis plus d’un an, et ce n’est pas comme s’il n’avait pas essayé lui-même le boulot de serveur, comme quasi tous les jeunes. Il l’avait fait, trois mois, c’était épuisant et il gagnait trois fois rien, c’est alors qu’on lui avait suggéré de travailler dans un strip club, lui promettant que ça payait double pour bien moins de courbatures. Et on ne lui avait pas menti – même si, maintenant qu’il s’occupait de madame choi, le travail lui prenait autant de temps qu’au début, son travail restait tout de même assez agréable et facile. Elle était encore très belle pour son âge, elle faisait jeune, et ça ne l’embêtait pas vraiment d’avoir des relations intimes avec elle, il était déjà tombé sur bien moins attirant. Et que le petit – petit, oui, peu importe sa taille ou son âge – soit pas d’accord, eh ben, c’était pas son problème. Il allait faire avec et la boucler.

Il fut vraiment surpris lorsqu’il se jeta sur lui pourtant, il ne s’y était pas du tout attendu, mais il eut une réaction rapide en attrapant son poignet, celui serrant son col, le serrant également tandis que ses yeux noirs étaient plantés dans ceux du fils de sa maîtresse, son sourire disparu. « t’as un soucis mental toi, tu sais.. » il passa sa langue sur ses lèvres, s’attendant à, justement, devoir se battre. Mais non, pourtant, l’autre s’était stoppé en route. Inho fut une nouvelle fois un peu décontenancé par l’attitude du garçon, il sembla ailleurs cinq minutes. Aurait-il lui aussi une occupante gênante dans sa caboche ? Possible, c’était de plus en plus courant. Il repoussa vite sa main, époussetant son haut comme s’il était outré du comportement de taehyun – et c’était le cas, quel manque de civilisation. « mh ? oui, section beaux-arts. » Il ne releva les yeux qu’une minute plus tard en réalisant ce que ça voulait dire, et il plissa les yeux en l’observant. « mais dis donc.. je t’ai déjà vu toi, c’est vrai ça. » il en était sûr, et pourtant, il n’arrivait pas tellement à le replacer encore ; mais maintenant qu’il y songeait, oui, ce visage lui était familier, définitivement.

Un souci mental, qu’il disait. C’était à se demander lequel des deux était le plus atteint pour faire ce boulot. Faut-il avoir du courage pour être gigolo ? Pas vraiment, Taehyun se décarcassait deux fois plus au salon de thé et tout ça pour un salaire bien médiocre. Mais pour rien au monde il n’était prêt à se lancer dans ce genre de job pour arrondir ses fins de mois – peut-être même que sa mère aurait été capable de le louer ! Quoiqu’il en soit, il avait bel et bien raison, ce type, il le connaissait. Ou du moins, il l’avait déjà vu trainer à la fac. Il ne lui semblait pas l’avoir déjà vu dans sa section par contre. Il capitula, avouant qu’il faisait partie des beaux-arts. Tiens donc ! C’est qu’il avait du flair, le Tae. Il afficha un petit sourire à la suite de ses mots, comme si on venait de lui annoncer qu’il était vainqueur d’une quelconque compétition. Il hocha doucement la tête, se reculant un peu parce que la proximité avec l’autre garçon l’irritait. « ouais, je suis en infographie. » mais bon, ça, on s’en tape un peu dans le fond. Mais il y avait bien quelque chose à faire avec ces aveux. Taehyun glissa malicieusement le bout de sa langue sur sa lèvre inférieure, poursuivant « dis donc, qu’est-ce que ça ferait à l’école de savoir que t’es une putain ? » bon, d’accord, il était rude avec ses mots, mais franchement ! L’arrogance de ce type ne faisait que le pousser à bout.

Sa mère couina sur le côté essayant de le rappeler en l’ordre en lui disant, au passage, que ses affaires ne le regardaient pas. Balivernes. Il la repoussa d’une main, comme pour lui demander de se taire. Il n’avait pas envie d’entendre ses sermons, surtout qu’ils étaient totalement injustifiés et qu’il avait l’impression d’avoir le rôle de son père. Il était en train de mettre son gendre dehors, au détail près que le dit gendre n’était rien d’autre qu’un mineur – aux yeux de la loi coréenne, en tout cas – qui lui procurait une espèce de romance idyllique construite à base d’oseille. Son oseille qui plus est. Celle qui lui sert à manger et entretenir la maison. Taehyun se repositionna encore une fois devant l’invité pour prendre la parole « alors, t’en dis quoi ? »

Il n’avait pas franchement avoué quoique ce soit, ça ne lui faisait pas grand-chose de dire au jeune homme qu’effectivement, il était bien étudiant dans la même université que lui. Et puis, quoi ? Il l’avait peut-être croisé sur le campus quelques fois, et sa tête lui revenait à moitié, du coup. En même temps, c’était difficile d’oublier une tronche aussi peu commune pour un coréen, ils n’étaient pas nombreux à avoir les oreilles disproportionnées et les yeux ronds comme des soucoupes, sans parler de la taille. Oh, infographie, ils n’avaient pas des filières si éloignées les unes des autres, tiens. « oh, et ben, on s’est déjà croisé alors, ça devrait te rassurer. » Il haussa les épaules, ce qu’il faisait beaucoup aujourd’hui. Il n’avait pas prévu par contre la petite tentative de chantage de l’autre garçon, et il ne réagit pas vraiment d’ailleurs à la provocation. L’école s’en foutrait sûrement, c’était avec cet argent qu’il les payait, après tout – sa réputation, elle, en prendrait un coup, par contre. Il était tenté également de faire remarquer à l’autre qu’il n’était pas une « putain » et que son véritable travail ne consistait pas vraiment à s’occuper de pauvres filles en mal d’amour, comme il faisait pour sa mère actuellement. Ceci n’était qu’une exception, une nouvelle trouvaille, peut-être pas quelque chose qu’il referait même, parce que ça lui bouffait tout son temps. Madame choi était envahissante, c’est bien une des premières choses qu’il avait appris avec ce job-là.

Il fit claquer sa langue contre son palais une nouvelle fois, glissant ses mains dans ses poches. Il se prenait pour qui, tfaçon, celui-là. Inho n’était pas du genre à se plier aux exigences de qui que ce soit, surtout pas un type du même âge que lui. « j’en dis que.. t’es ptêtre pas au courant mais. » il se redressa un peu, faisant un pas à nouveau vers le jeune homme pour être bien en face de lui, comme lorsqu’il l’avait empoigné, faisant abstraction de la différence de taille. « mais.. ma cliente, c’est ta maman. Et je doute que ça fasse très bonne figure sur ton dossier scolaire, ça. » crétin. Il se retenait pour ne pas contrarier madame choi, mais il crevait d’envie de l’étriper. « et je ne suis pas une putain, pour ta gouverne. »

En effet, il marquait un point. S’il le dénonçait maintenant dans le but de ternir sa réputation, ça allait également avoir un impact sur lui, comme une grosse boule de neige qui emporte tout sur son chemin et grossit démesurément. Taehyun fronça les sourcils, qu’est-ce que ça pouvait l’énerver, dans le fond. À croire que ce bœuf de première avait réponse à tout. S’était-il entrainé face à ce genre de situation ? Avait-il rodé discours après discours pour fermer les clapets à la pelle « non, ce n’est pas illégal, non je ne fais rien de mal » mais oui ; bien sûr. Balance que t’es la victime, tant que tu y es, non ? Le plus grand pinça les lèvres, piqué à vif. Il fallait qu’il trouve une autre solution. Celle de lui taper dessus ne plaisait visiblement pas à mogsoli, ni même à sa mère et lui demander de dégager de façon courtoise ne marchait pas non plus. En gros, il se retrouvait dans une espèce d’impasse ou, plier l’échine, était la seule chose qui lui restait à faire. Super. Et sa virilité, là-dedans ? Son orgueil et ses valeurs ? Tout le monde s’en foutait parce que maman avait envie de forniquer avec un petit gars fraichement sorti de ses couches culottes. « t’es vraiment du genre têtu comme type, bon sang ! » bon, on pouvait très bien en dire autant de lui, mais tout de même, il était le seul raisonnable dans cette foutue baraque. Nerveusement, il serra les poings. Il fallait qu’il se contrôle sinon il allait vraiment lui sauter à la gorge et le balancer par la fenêtre pour ne plus jamais le revoir, ni ici, ni sur le campus. Ils n’avaient pas d’atomes crochus, ces deux-là.

Un silence s’installa dans le salon, plutôt pesant, et c’est sa mère qui le brisa en tapant dans ses mains « tu as ramené à manger, non ? je suis d’humeur joyeuse et je veux le faire partager, alors je cuisine. » Super. C’était la cerise sur le gâteau. En plus de le payer à faire des trucs pas catholiques elle lui offrait la pitance. On le prenait vraiment pour un con, et sans demander son reste elle tourna sur les talons en embarquant le bras de son gigolo pour le trainer au bar de la cuisine. « installe-toi-là, ça ira vite mon petit innie ! ».

Il lui avait bien cloué le bec, cette fois. En même temps, il commençait presque à se demander si le jeune homme n’était pas un peu attardé, c’est vrai, il se ramenait comme ça et décrétait qu’il n’était pas d’accord, pour ensuite le menacer. Un peu trop hâtif en tout cas, il n’avait même pas songé au fait que ça causerait sûrement plus de problème à sa famille qu’autre chose, au final. inho n’avait pas tellement peur d’avoir une mauvaise réputation – beaucoup de gens ne seraient pas étonnés, il en était assez sûr. Mais ça l’aurait embêté quand même que tout le monde comprenne comment il réussissait à payer ses études, ce n’était pas exactement bien vu comme travail. Même si lui, il n’avait pas honte, il ne se sentait pas sale ou n’importe quelle connerie du genre, il préférait tout de même garder son petit secret pour lui. Et pour taehyun, maintenant, mais ça, ce n’était qu’un détail, il allait le surveiller. « je suis pas têtu, c’est toi qui me cherche. » et il se tut une bonne fois pour toute, laissant passer le silence sans même sourciller. Il était déjà du genre à ne pas l’ouvrir pour rien, et c’était encore plus vrai dans la situation actuelle.

Il se tourna alors vers madame choi lorsqu’elle s’adressa aux garçons, parlant de cuisiner quelque chose. Il afficha directement un sourire étincelant, prenant bien soin de la regarder elle et d’ignorer totalement la présence de son fils. « c’est une très bonne idée, mad- nayung. » et il la suivit lorsqu’elle l’appela – par ce petit nom qu’il avait beaucoup de mal à supporter, mais que voulez-vous, il le devait bien – et s’assit au bar de la cuisine, détournant la tête une seconde après vers l’autre garçon alors qu’elle commençait à fouiller dans les sacs de courses que le plus grand avait, apparemment, ramené. « alors ? tu comptes pas faire honneur à la cuisine de ta maman ? » Il devrait arrêter, vraiment, mais inho avait toujours été une tête à claques, et il s’amusait énormément en voyant l’énervement tirer les traits du jeune homme. Et pour bien appuyer sa phrase, il tapota le siège à côté de lui, un petit sourire aux lèvres pour le garçon, maintenant. C’était peut-être pour ce genre de comportement que ses parents ne le supportait plus, tiens.

Il commençait à croire que tout, absolument tout était fait pour l’énerver ce soir, que ce soit le travail, le fait d’avoir été faire des courses, le comportement de sa mère et la présence encombrante de ce type. En plus, il le cherchait, là, assis fièrement sur le tabouret de la cuisine. Qu’est-ce qu’il voulait, au fond ? Il avait tout ce dont il espérait là, il allait rester et se voir offrir la bouffe, pourquoi continuer à chercher et creuser désespérément en soulevant le plus de merde possible. « et si tu la fermais pour voir ? t’es pas chez toi ici. » Il grogna, prenant place sur le tabouret en face. Pourquoi se mettre à côté de lui quand, objectivement, il avait envie de l’étriper et qu’ensuite sa mère le vire pour prendre cette place et papillonner comme une adolescente qui découvre l’amour avec son premier flirt. Il s’imaginait déjà ce qu’ils allaient faire cette nuit et, franchement, ça lui donnait envie de foutre le camp. Il passa en revue toutes les adresses qu’il connaissait pour découcher aujourd’hui, c’est vrai, il pouvait toujours se trouver un ami sympa chez qui passer un peu de temps mais il n’était pas habitué à s’inviter comme ça chez les gens. Pour le côté lâche, il s’en fichait. De toute façon, ce pauvre type s’amusait bien à s’essuyer les pieds sur son orgueil alors un peu plus ou un peu moins ?

Il entendit alors le bruit du beurre qu’on fait fondre dans une poêle et le bourdonnement de la hotte. Alors comme ça, quand il s’agit de satisfaire les papilles gustatives de son copain – comme elle s’amusait à le dire – maman répondait à l’ordre, mais pour son fils, quedal. Dans quel monde vivait-elle ? Elle tourna plusieurs fois la viande, la faisant rissoler et puis elle s’exclama. « on va ouvrir une bouteille de vin, hein ? » ben voyons, c’est jour de fête après tout, allons-y. Taehyun haussa les épaules, n’ajoutant pas non plus qu’elle ne supportait pas l’alcool. Si elle arrivait à se souler alors elle ne serait plus en état de faire quoique ce soit, et c’était tout bénéfice. Il ne l’empêcha pas, restant las sur son tabouret. « j’en veux pas ; mais peut-être que ton crevard de gigolo en veut ? » vas-y saoule toi aussi, ce sera plus facile de te jeter.

Il n’avait pas relevé, se forçant à ne pas créer de problème ici, en gardant bien en vue que ça ne le concernait pas seulement lui, mais également l’argent qu’il devait gagner. C’était immonde, peut-être, mais peu importe, il en avait absolument besoin, c’était un mois difficile. Et il n’allait pas tout gâcher en foutant son poing dans la gueule du fils de sa cliente juste parce qu’il lui parlait mal – il aurait tout le loisir de l’emmerder la prochaine fois qu’il le verrait sur le campus, maintenant qu’il savait où il étudiait et surtout qui il était, il n’allait plus le rater. Après, effectivement, il comprenait également qu’il soit furieux – c’est vrai, il aurait tiré une tronche bizarre aussi s’il avait surpris sa propre mère avec un gamin de son âge, payé, qui plus est. Mais sa propre mère n’aurait jamais fait ça, alors que celle de taehyun semblait cumuler les conneries de ce genre, il devrait être habitué, à force. Inho était assez sûr qu’elle, elle savait ce qu’elle faisait, mais qu’elle était surtout trop égoïste pour penser au bonheur de son foyer en premier, elle pensait plutôt à son plaisir et son amusement personnel – sinon, pourquoi l’appellerait-elle en permanence, parfois même pour ne rien faire ? Cette femme était irrécupérable, c’est tout.

Il releva un peu la tête, observant la poêle et ce qui se trouvait dedans, un petit sourire satisfait aux lèvres. Chez lui, c’était plutôt plats cuisinés et fast food, simplement parce qu’il n’avait pas le temps de cuisiner, et encore moins celui d’apprendre à cuisiner. « je ne bois pas hors de mon travail, je suis désolé. mais ne vous gênez pas voyons, ça fait toujours bien sur une table. » il rit légèrement, accompagné par nayung qui sembla aimer sa petite boutade. il n’aimait pas l’alcool, en vérité, il avait également une dent contre ça à cause de son père, il n’en buvait que lorsqu’un client au club lui offrait un verre de quelque chose, par politesse et également pour ne pas le faire changer d’avis lorsqu’il s’agissait d’un show privé. Ce n’était pas quelque chose qu’il appréciait, en gros, même si certains n’étaient pas déplaisants.. mais le vin, pas moyen. « et je ne suis pas un crevard, mon grand, il va falloir virer ces vilaines expressions de ta bouche. » c’est vrai quoi, elle l’avait élevé comment, hein ?

Il ne buvait pas hors de son travail ? Taehyun réprima un petit rire, regardant le côté opposé au garçon parce que, bizarrement, il le trouvait totalement ridicule avec son air précieux et ses phrases sirupeuses. Qu’essayait-il de prouver, et à qui ? Lentement le plus grand s’humecta les lèvres. Une chose était sûre, même dans la colère et l’énervement ; il avait faim et il comptait bien manger. D’autant plus qu’il venait de faire les courses, et donc, de payer le repas. Ah, merde. En fait, ce n’était pas sa mère qui offrait la pitance à l’autre cinglé, mais lui. Il réprima son envie de protester – à retardement – histoire de ne pas passer pour un gamin égoïste qui ne veut pas prêter ses affaires. Et dans le fond, c’était bien ça. C’était sa bouffe, et c’était sa mère – mais là, cela l’importait un peu moins, il fallait bien l’avouer. Il se contenta de garder le silence histoire d’arriver à ses fins. Il suffisait que sa mère abuse un peu trop de la picole et le tour était joué. Elle serait totalement incapable de faire quoique ce soit comme par exemple tenir une conversation un tant soit peu cohérente. Quant aux rapports sexuels, il doutait sérieusement que son état soit assez opérationnel après une belle cuite au gros rouge qui tâche. Il la contempla un instant, elle se servit un grand verre de ce liquide pourpre ; l’alcool restant collé aux parois. Mh, c’est qu’il était bien alcoolisé, celui-là. Un fin sourire se dessina sur les lèvres de Taehyun alors qu’il plantait son menton dans la paume de sa main. Il n’avait rien de bien intéressant à dire, et il préférait regarder les dégâts de l’alcool sur sa mère, petit à petit. Hop, première gorgée ; ce qu’elle était lente aujourd’hui. Sans parler de sa façon de planter ses yeux dans ceux de son hôte qui le débectait fortement.

Le garçon se releva rapidement de sa chaise dans un soupir, et voilà qu’elle se remettait à roucouler, oubliant même la viande sur le feu. Il marmonna un petit juron avant d’enfiler le tablier resté pendu au crochet à l’entrée de la cuisine. Ses résolutions ne tenaient jamais longtemps, il le savait. Il fit rapidement un nœud derrière sa taille, reprenant le flambeau pour faire dorer la viande – des morceaux blancs de poulet – s’occupant également du riz.

Il essayait de faire abstraction de la présence de l’adolescent, pour être honnête. Il s’en fichait, il ne faisait pas partie de son job, il n’avait aucune obligation le concernant, il le remettait simplement à sa place quand il utilisait un mot un peu trop insultant à son gout – effectivement, c’était peut-être un peu dur à avaler pour lui de voir sa mère fricoter avec un type allant à la même université que lui, et surtout de le payer, mais ça n’allait pas changer quoi que ce soit qu’il se plaigne ou non, quant à inho, il était tenté de lui balancer dans la gueule à quel point lui-même ne faisait pas ça pour le plaisir mais par nécessité. Ces gens étaient définitivement insupportables, autant la mère que le fils. Sois un peu plus ouvert d’esprit, innie, voyons… il roula les yeux en entendant le petit chuchotement dans le fond de sa tête. C’est vrai, peut-être était-il trop dur dans son jugement. Met-la en veilleuse. Mais il n’était peut-être pas encore prêt à modifier son mode de penser.

Bien vite madame choi s’était accaparé son bras en s’asseyant à côté de lui, lui faisant les yeux doux en débitant un nombre impressionnant de stupidité, auquel inho répondait poliment par un petit rire, ou par une petite phrase courtoise, puisque nayung lui faisait également du rentre dedans au passage. Il avait appris au fil des jours qu’elle n’avait pas plus de seize ans d’âge mental et qu’elle était très franche, sûrement pas complexée par quoique ce soit en dehors de son âge. Il n’était même pas sûr d’avoir le vrai maintenant qu’il voyait son fils. Peu importe, tant qu’elles étaient encore agréables à regarder, ça lui importait peu. Il la voyait descendre son verre, ses joues se colorant de plus en plus au fil du temps. Elle ne tenait pas l’alcool, super, avec un peu de chance il allait être payé pour rien. Sauf si elle refusait de le payer pour sa présence, ce qu’elle risquait de faire après les remontrances de son rejeton.. et ça, c’était mauvais pour lui, mais il s’en occuperait plus tard. Il regarda également tae hyun se diriger aux fourneaux pour finir l’œuvre culinaire de sa génitrice. Pour la première fois, c’est un sourire compatissant qu’il lui adressa, il se doutait bien que la vie du garçon ne devait pas être facile avec elle.

S’occuper du repas n’était pas la seule chose à faire, après avoir lancé un regard en direction de sa mère et de son gigolo – par la même occasion – il pouvait affirmer qu’elle n’était déjà plus en état de faire quoique ce soit. Comme mettre la table, par exemple. Lascivement, il s’accroupit devant le placard pour en extraire des épices et en mettre un peu dans sa casserole. Il releva les morceaux de poulet avec du curry, du sel et du poivre. Ensuite, après avoir diminué progressivement le feu pour l’adoucir, il ouvrit le placard du haut pour en sortir trois assiettes. Visiblement, il n’avait pas le choix ; il devait accepter son invité pour la soirée et il n’avait même plus envie de se battre contre lui. C’était une vraie tête de mule et il doutait sérieusement d’être capable de le mettre dehors. Il glissa bruyamment trois paires de couvert dans les assiettes pour les déposer ensuite sur le comptoir, juste sous le nez d’inho en plantant ses prunelles sombres dans les siennes. « tu pourrais les mettre ? elle va tout faire tomber. » il ne lui demandait pas méchamment et son ton s’était considérablement radoucit. Il savait à quel point sa mère pouvait être collante une fois pompette et, actuellement, il avait bien envie de plaindre ce pauvre garçon qu’elle s’était dégotté. Mais non, il avait envie de l’emmerder, de lui faire regretter son choix. Il lui avait donné la possibilité de revenir sur ses pas, de faire marche arrière, ce n’était pas faute de l’avoir prévenu, n’est-ce pas ?

Sans attendre de réponse, il tourna sur ses talons, reprenant la cuillère en bois pour mélanger une dernière fois sa préparation. Il espérait tout de même n’avoir rien raté, pourrir la bouffe de cet inho était fort intéressant, mais il n’avait pas envie de pourrir la sienne au passage. Il changea la poêle de plaque pour empêcher la cuisson et s’attaqua au riz ; le sortant du cuiseur pour le verser dans un plat. « bon j’apporte, écartez-vous. » il amena la poêle qu’il déposa sur le sous plat resté au même endroit que la veille et en fit de même pour le plat de riz. Taehyun enleva enfin son tablier pour prendre place en face des deux tourtereaux, lâchant un soupir « …je dois te servir ? » dit-il à l’adresse du garçon.

Il jeta un œil à madame choi et hocha la tête aux mots du garçon, réalisant qu’il n’avait pas tort. C’est vrai que plus elle buvait, moins elle semblait assurée dans ses gestes, et surtout, elle devenait de moins en moins cohérente. Déjà qu’inho la jugeait limitée intellectuellement au départ, là, elle atteignait des sommets. Il disposa alors les assiettes en silence, un petit sourire aux lèvres en notant que taehyun s’était considérablement adoucit. Peut-être qu’il commençait à apprécier sa présence ? Quoique, apprécier c’était peut-être un peu fort. Mais tolérer en tout cas, oui, semblait-il. C’était au moins ça – il ne serait pas parti, sous aucun prétexte, et il n’était pas d’humeur à se battre avec le jeune homme. C’était une bonne chose de réglé.

Une fois la table mise, correctement il espérait, il se rassit et madame choi reprit immédiatement son bras en clamant à quel point il était serviable et gentil. Il roula les yeux vers le ciel lorsqu’elle regardait ailleurs. Il saurait désormais qu’il ne faut surtout pas la laisser boire, mais pour le coup, il n’avait pas vraiment été sur ses gardes, et maintenant il se coltinait une femme de deux fois son âge complètement ivre et pendue à son cou. Il détourna alors son attention vers ce que faisait taehyun, assez curieux de savoir ce qu’il allait manger ce soir en sentant les odeurs d’épices. Il savait cuisiner en plus de faire les courses et de travailler, vraiment, elle avait tiré le gros lot avec un rejeton aussi polyvalent, et elle s’en fichait comme de l’an quarante, n’ayant d’yeux que pour lui à la place. Etrange quand même, comment certaines femmes pouvaient négliger ainsi leur vie de famille. Enfin, il n’allait pas la ramener vu ses propres parents.

Il sorti de sa rêverie quand l’autre jeune homme apporta finalement les plats, pour lesquels il fit de la place par réflexe, l’autre n’étant plus du tout en état de réfléchir à quoique ce soit – ça faisait dix minutes qu’elle gloussait pour il ne savait quelle raison. Il fixa alors les plats, puis taehyun, inclinant la tête sur le côté. « je peux me servir si ça t’embêtes.. ça a l’air bon, en tout cas. » il tenta un sourire, espérant peut-être « faire la paix » en se montrant plus courtois, comme mogsoli le lui avait suggéré. Qui ne tente rien n’a rien.

On ne laisse pas un invité se servir tout seul, même si pour le coup, Taehyun n’avait invité personne. On pouvait même dire que c’était Inho qui s’était invité tout seul, ou alors c’était réellement la faute de sa mère. Bref, il n’avait pas envie de repartir dans ce genre de discours, de se prendre la tête avec le gigolo une fois de plus pour que la situation en reste au même point. Le plus grand haussa les épaules, las, en prenant une cuillère généreusement garnie de riz qu’il déposa dans le fond de l’assiette de son vis-à-vis. Il réserva le même sort aux morceaux de poulet dorés à cause du beurre et du curry, toussotant doucement « bon, ben... voilà et … il planta alors son regard dans celui de sa mère – ou du moins ce qu’il en restait - t’irais pas t’allonger maman ? » elle fronça les sourcils en fermant les yeux, visiblement, la tête lui tournait et ce n’était pas dû à la présence de son petit ami. Taehyun tourna autour du bar, lui attrapant le bras pour la décoller du garçon. Elle ne broncha même pas, titubant à côté de son fils comme si elle était prête à s’écrouler à tout instant ; comment pouvait-on être aussi faible face à l’alcool ? Il ne comprenait pas. Après l’avoir allongée dans le canapé, il glissa une couverture sur son corps, histoire qu’elle ne prenne pas froid. Même si c’était une gamine dans l’âme, elle restait sa mère et il se devait de prendre soin d’elle.

« désolé de l’attente » s’enquit-il en revenant à la cuisine, plongeant son regard dans celui d’Inho. Ils se retrouvaient en tête à tête et, forcément, ça le mettait mal à l’aise quelque part. La rencontre n’avait pas été des plus agréables et il ne le connaissait pas du tout. Sans attendre, il se servit aussi, prenant place en face de lui pour finalement manger une petite bouchée de poulet. « bon appétit, quand même. » car il avait tout de même une bonne éducation. Un silence pesant s’installa entre eux. Devait-il lancer un sujet de conversation ? N’était-ce pas ridicule après ce qu’il venait de se passer ? Et puis, il attendait certainement son argent mais ça, il n’avait qu’à s’arranger avec sa mère. Autant dire qu’il lui souhaitait bien du courage. « j’espère que ça te plait ».

Inho plantait à peine sa fourchette dans son riz lorsqu’il réalisa qu’il y avait comme.. un poids sur son épaule, et en détournant les yeux vers lui, il réalisa que madame choi avait du mal à rester consciente. Tout ça pour une demi-bouteille de vin ? Elle tenait vraiment très mal la bouteille. Ça faisait ses affaires, après tout, il n’avait pas spécialement envie de « s’occuper » d’elle cette nuit. Il laissa faire taehyun quand il l’entraîna vers le salon, poussant un soupir de soulagement en récupérant l’usage de son bras. Il en profita d’ailleurs pour prendre une bouchée de riz au curry, affichant un sourire après. C’est bon. Pour tout dire, le fils lui faisait une meilleure impression que la mère en tant que personne – mais il se devait de flatter nayung, parce que c’était son ticket gagnant pour une vie un peu plus confortable. Il n’avait jamais aimé être hypocrite, mais parfois, il fallait bien faire des concessions afin d’arrondir ses fins de mois. Ce n’était pas la fin du monde, et personne ne le condamnerait pour ça. Quant à taehyun, il se contentait de se défendre un peu plus tôt – maintenant qu’il était poli, inho n’avait aucune raison de ne pas l’être.

Il revint assez vite, et en se penchant un peu en arrière inho remarqua qu’effectivement, madame choi était tombée comme une masse sur le canapé. « c’est rien.. mais elle va être déçue en se réveillant. » il haussa les épaules, recommençant à manger en baissant les yeux sur son assiette. Il avait l’impression de manger au restaurant, certes pas dans un trois étoiles, mais c’était tout de même bien meilleure que ses vaines tentatives de « cuisine ». C’était une situation étrange, de se retrouver à manger en tête à tête avec le fils de sa cliente. Ça n’avait rien de désagréable cela dit. « bon appétit.. excuse-moi, c’est pas très poli, mais j’ai commencé. Et oui, ça me plait.. C’est vraiment bon. » La situation lui semblait bizarre, mais il ne s’étala pas sur le petit sentiment de gêne qu’il ressentait. « mh.. je vais quand même dormir ici, tu sais. » il mordilla sa lèvre inférieure nerveusement. Mais il ne pouvait pas rentrer, vu l’heure maintenant. Et il tenait à son salaire, aussi horrible que ça puisse paraître comme façon de penser.

Il avait déjà commencé sans lui et ce n’était pas vraiment grave, du moins, il ne lui en tenait pas rigueur. Taehyun continua de manger, bouchée après bouchée en laissant le silence se planter entre eux deux comme s’il avait toujours été là. Ce n’était pas forcément désagréable, mais il n’était pas habitué à être si calme en présence de quelqu’un d’autre. Ses amis étaient plutôt du genre bavards et il était très sociable lui-même. Quant à sa mère, dès qu’elle était là c’était une vraie pipelette et il n’arrivait plus à l’arrêter de parler sauf en allant se réfugier dans sa chambre. Une petite pointe de tristesse le gagne tout au fond de lui en y repensant. Il ne comprenait vraiment pas comment ils avaient pu en arriver là. Est-ce qu’elle se sentait si mal au point de tomber dans les bras d’un jeune garçon, au point de le payer pour se nourrir de son amour artificiel ? Comment dire, ça lui faisait réellement mal au cœur, n’était-il pas suffisant pour elle ? Il est vrai que Taehyun avait toujours eu du mal à tolérer les hommes de sa maman, peut-être parce qu’il avait toujours été le seul homme dans sa vie depuis longtemps et qu’il les voyait comme des voleurs, ou des petits profiteurs. Soit, profiteur, cela s’accordait bien avec son vis-à-vis bien qu’il n’était pas arrivé ici par hasard ; il l’avait bien compris. D’ailleurs, il reprit la parole ; lui annonçant qu’il avait bien dans l’idée de rester ici.

Lentement, Taehyun releva les yeux de son assiette pour le regarder avant de planter son regard sur l’horloge accrochée au mur en face de lui. C’est vrai qu’il commençait à se faire tard et que ce n’était pas vraiment un coin tranquille. Même si sa présence ici était un peu encombrante, et chère, il n’avait pas envie d’avoir peut-être une mort sur la conscience. Le plus grand pinça les lèvres, les humectant ensuite « ben, j’ai pas très envie de te faire dormir avec ma mère. tu comprends … oui, ben comment pouvait-il mettre un type aussi jeune que lui dans le lit de sa petite maman ivre ? il reste le canapé, qui te filera un énorme torticoli au mieux. » pour l’avoir déjà testé, c’était une vraie torture. sinon mon lit est grand et … je veux bien le partager, juste cette nuit. ».

Il s’était plongé dans son assiette à vrai dire après sa dernière phrase, évitant assez soigneusement de tenter de lancer une conversation avec l’autre garçon. Ce n’était pas son fort le social – tous ses amis savaient ça. Quand il s’agissait de se vendre et de vanter ses qualités, il était très doué, mais étrangement, il n’était pas disposé à faire le moindre effort pour faire la conversation dans une situation aussi quotidienne qu’un repas partagé avec quelqu’un d’autre, ou autre chose. Il n’était pas très loquace de nature, pas du genre à se creuser la tête pour essayer de trouver un sujet intéressant les deux partis. Il répondait poliment à ce qu’on lui disait, et parfois s’intéressait et se prenait à la discussion, mais c’était assez rare, et il n’était pas celui qui faisait le premier pas. Mais apparemment, taehyun n’était pas disposé non plus à essayer de trouver de quelconques intérêts communs, il restait lui-même muet comme une carpe, et pendant bien quinze minutes le silence plana sur les deux jeunes hommes, simplement entrecoupé de bruits de couverts et des petits tics de l’horloge accrochée au mur. Au moins, inho savait que ce serait difficile de l’amadouer celui-là, il n’avait jamais encore été dans un cas de figure où il devait se coltiner toute la famille d’un client. Mais il s’en sortirait, il s’en sortait toujours.

Il voyait bien dans ses yeux que le fait qu’il reste posait problème. L’autre vérifia même l’heure, peut-être avec l’idée de jeter le plus petit dehors s’il jugea qu’il ne faisait pas encore assez nuit. Il fut soulagé cela dit lorsque l’autre sembla capituler, il n’avait vraiment pas envie de devoir rentrer chez lui dans une telle obscurité, surtout qu’il n’habitait pas dans un endroit très protégé. Il s’essuya doucement la bouche avec sa serviette, repoussant son assiette en écoutant taehyun avec attention. Il haussa un sourcil surpris à sa proposition, un sourire étirant même ses lèvres. Peut-être qu’au fond il ne le détestait pas tant que ça.. ou peut-être voulait-il le garder à l’œil de très près. « ça me va.. je préfère dormir avec toi qu’avec elle, tant qu’on est dans la confidence. » il ne doutait pas qu’elle dormait à poing fermé, aussi, il n’eut aucun mal à l’admettre. Il n’aimait pas spécialement les plus âgé(e)s que lui en temps normal – ce n’était rien de plus que de la survie.

Le plus jeune lui fit des aveux, visiblement, la compagnie de sa mère ne l’enchantait pas vraiment. Attention tout de même, ça restait sa mère et même si elle avait un nombre incalculable de défauts il n’aimait pas qu’on casse du sucre sur elle. Il avait une sorte de reconnaissance pour elle, perpétuelle, comme s’il savait pertinemment bien à quoi il avait échappé. Bref, il hocha doucement la tête, ne relevant pas la remarque du gigolo. Inutile de lui faire comprendre quoique ce soit, il pouvait aisément se mettre à sa place. Jamais il n’aurait aimé avoir ce genre de travail, fréquenter des femmes bien plus âgées en faisant des choses peu orthodoxes pour gagner sa croute de pain. Inho avait-il perdu toute l’estime qu’il avait en lui pour se plier aussi bas ? Mais comme on le dit si bien ; il n’y a pas de sot métier, après tout. Et si cette vie lui convenait alors, tant mieux ? Que pouvait-il lui souhaiter de mieux ? Que pouvait-il espérer pour cet illustre inconnu ? « d’accord, on fait comme ça. » il força un sourire tout en se relevant, empilant les deux assiettes vides pour les mettre dans l’évier. La vaisselle attendrait bien demain, il n’avait aucune envie de la faire actuellement.

« au fait, je t’ai pas proposé, tu veux boire quelque chose ? » il sortit machinalement deux verres de l’armoire et le soda resté dans le réfrigérateur, le posant sur le bar pour finalement reprendre place en face de son invité. Il dévissa le bouchon dans un psht sonore et s’humecta doucement les lèvres, remplissant un premier verre qu’il poussa juste sous le nez d’Inho « en fait j’ai pas grand-chose à part ça ou l’eau pleine de calcaire du robinet … et la vinasse de ma daronne mais. » il lâcha un rire, bouchonnant l’autre bouteille à moitié vide au passage. « j’pense plutôt que son pinard va finir vidé dans l’évier. » après tout, vu l’effet que ça lui faisait il n’aurait aucun scrupule à le faire. Elle ne s’en souviendrait même pas, c’était tout bénéfice et puis, il la préférait tout de même sobre, sa maman. Là, c’était un état d’urgence limite, quasiment une question de vie ou de mort. Après tout, il venait de sortir le gigolo d’une soirée torride, n’avait-il pas droit à des remerciements dignes de ce nom ?