Le quartier de Dongdaemun. La référence ou presque en matière de mode. Un peu le repère de cette mode que beaucoup suivent avec intérêt, alors que d’autres n’en ont complètement rien à faire. Je fais partie de la seconde catégorie. Je n’ai jamais été très branché, ni intéressé par la mode. Je pars du principe que je porte ce que je veux, quand je veux, si ça ne plait pas et bien tant pis. Je ne suis pas né pour faire plaisir au monde entier et encore heureux. Soit, que fais-je au marché Pyeonghwa si ce n’est pas du shopping ? Figuez-vous qu’il n’y pas que des magasins de fringues ici. Avec les 30.000 magasins qui forment ce quartier, vous pouvez facilement trouver de tout. Je suis simplement venue faire quelques courses, un sac plastique à la main, je marche dans les rues. J’aurais très bien pu juste aller acheter ce dont j’avais besoin dans la petite épicerie à l’angle de ma rue, mais non … Marcher pendant de longues minutes et parcourir ce quartier de long en large, m’a en quelques sortes aéré l’esprit. J’ai souvent entendu dire que la marche c’est bon pour la santé, je vais finir par à croire à ce genre de connerie, si ça continue.

Je jette un coup d’œil furtif à ma montre, en sortant du dernier magasin où j’avais à faire. Avoir des animaux ça demande de l’entretient et c’est principalement à cause de ça que je suis de sortis en ce moment même. Il est à peine trois heures de l’après-midi. Je n’ai pas tellement envie de rentrer chez moi maintenant … Continuer d’errer dans les rues, plutôt que de rester enfermé entre les murs de mon appartement. Il faut vraiment que je pense à déménager. C’est ce que je dis à chaque fois, mais je repousse toujours ça à plus tard. Comme si dans le fond je n’en avais pas tellement envie … Il fait soleil aujourd’hui, mais un vent frais rend l’air pas trop lourd et la température supportable. Je regarde autour de moi, en faisant attention de ne bousculer personne, car Dongdaemun est très fréquenté apparemment. Mais visiblement je ne fais pas assez attention, car je bouscule une jeune femme. Je lui adresse un sourire et quelques excuses, comme n’importe quelle personne bien élevée l’aurait fait dans de telle circonstance. Puis je lui tourne le dos, m’apprêtant à reprendre ma route. Je n’ai pas envie de retourner m’enfermer, mais je n’ai pas d’autre chose à faire alors …

J’ai été assez bien éduqué pour m’excuser en bousculant quelqu’un, après je reprends mon chemin ? Enfin c’est ce que je comptais faire, mais la jeune femme que j’ai bousculé m’interpelle par mon prénom. Ou plutôt elle me pose une question. Est-ce que je me souviens d'elle ? Honnêtement non. Je me retourne et je la regarde de la tête aux pieds … Non vraiment je ne vois pas du tout. J’essaie de faire marcher ma mémoire. En tout cas elle a l’air de savoir qui je suis, puisqu’elle connait mon prénom. Je regarde plus attentivement son visage. À moins que nous ne nous soyons rencontrés il y a longtemps, ce qui expliquerait qu’il n’y a plus aucune trace d’elle dans ma mémoire. Je fronce les sourcils.


Je lui adresse un sourire. J’aurais l’air malin, si elle me dit quelque chose qui prouve que si, nous nous connaissons. Mais j’ai beau chercher, son visage ne me dit rien … Ou si vaguement. Je ne sais pas si c’est parce qu’elle me rappelle effectivement quelqu’un ou si c’est juste parce que cette jeune femme semble me connaître, alors j’essaie de m’en convaincre moi-même. Peut-être qu’elle se trompe de personne. J'exclue très vite cette hypothèse. Non, je ne pense pas qu'elle me confond avec quelqu'un d'autre. Ce n’est pas comme si il y avait trente-six-mille Gabriel à Séoul. Ce n’est pas un nom asiatique, donc pas courant dans le coin. Il n’y a donc qu’une seule solution, je la connais, du moins elle me connaît, mais d’où ?


Demandais-je à cette jeune femme. Peut-être que son nom me sera plus familier que son visage. J’espère.

Ji Na … Yoon Ji Na … Mais bien sûr ! Comment ne l’ai-je pas reconnu. Elle a vraiment … Changé. Je ne l’ai pas du tout oublié, au contraire. Je me souviens parfaitement de cette petite fille que je protégeais contre les moqueries de nos camarades. Je lui adresse un sourire amical.


C’est donc pour ça que son visage m’est un peu familier. Je la connais depuis l’école primaire. Je me sens vraiment confus de ne pas avoir sus retrouver qui c’était, alors que quand on était plus jeune, je passais beaucoup de temps avec elle à la récréation. Enfin, avec elle pas réellement. Je faisais juste en sorte que personne ne vienne lui chercher des problèmes. Nous n’avons jamais été très proches. Je ne sais pas vraiment quoi lui dire … En tout cas une chose est sûre, j’aimerais bien voir la tête de nos anciens camardes s’ils se trouvaient devant la Ji Na d’aujourd’hui. Ils n’auraient plus aucune raison de se moquer d’elle, car toutes les causes de ces moqueries incessantes ont visiblement disparu. Tant mieux pour elle. Ça me fait quand même plaisir de la revoir, même si je n’aurais jamais soupçonné que nos chemins se recroisent un jour.


Ce sont les seuls mots qui sortent de ma bouche. Ça fait un peu cliché et idiot, mais je suis pris au dépourvus là, je ne m’attendais vraiment à la revoir un jour. Puis une autre question banale suit.


Là je ne peux pas faire plus cliché, mais que dire de plus dans ce genre de circonstance ? Et puis ça m’intéresse quand même mine de rien. Ça fait toujours plaisir de voir un ancien camarade, ce n’est pas comme si j’avais une quelconque aversion envers Ji Na, bien au contraire.

Légèrement gêné devant Ji Na, je ne sais pas trop quoi lui dire à part des questions banales du genre : qu’est-ce qu’elle devient, est-ce qu’elle va bien … Elle aurait été une amie proche dans le passé, peut-être que j’aurais des tas de choses à lui raconter, mais à n’a jamais été le cas. Je ne dis pas que je ne l’aimais pas, c’est faux, sinon pourquoi j’aurais passé tout mon temps à la protéger ? C’est juste qu’à part éloigner tous les moqueurs qui s’en prenaient à elle, je ne faisais rien d’autre. Nous n’avons jamais eu de discussion très personnelle et nous n’avons pas non plus eu l’occasion d’apprendre à nous connaître vraiment, comme deux amis.

D’après ses dires elle va bien et elle suppose que moi aussi … Si seulement ça pouvait aller bien. Mais fidèle à mon habitude de me cacher sous mon éternel sourire pour tout dissimuler je lui réponds :


Alors comme ça elle est devenue coiffeuse. Heureusement que Ji Na me retourne la question, je n’aurais pas su quoi ajouter à tout ça … Pour ma part je n’ai pas encore un job fixe contrairement à elle. Enfin je travaille à mi-temps, surtout le week-end en fait, dans un bar où je suis serveur, mais quand j’aurais finis mes études je compte bien arrêter. En y réfléchissant, je n’avais jamais su que Ji Na aimait la coiffure. En même temps comme je l’ai dit, je prenais sa défense, mais je ne la connaissais pas. Pourquoi je n’ai jamais cherché à établir un dialogue avec elle ? Honnêtement je ne sais pas. J’étais toujours là quand elle avait besoin, mais le reste du temps je ne lui adressais jamais la parole … Et je ne sais pas pourquoi j’ai agis comme ça. Si c’était à refaire, je changerais ce point. Mais le passé est le passé, il reste à sa place.


J’imagine que Ji Na ignore ma passion pour l’équitation, tout comme moi j’ignorais son intérêt pour la coiffure. Puis une idée me traverse l’esprit.


Cette rue est vraiment bondée aujourd’hui …

Visiblement Ji Na ne savait pas non plus que je suis passionné par l’équitation. Quand je vous disais que nous connaissions très peu de choses l’un sur l’autre. À part ce qui se voit en extérieur, je ne peux pas me vanter de très bien connaître Ji Na. Mais après tout il n’est jamais trop tard … Si ?


Cette réponse est bien maigre contrairement à ce que je ressens vraiment pour ce sport. M’empêcher de monter à cheval serait comme … Arracher ses ailes à un papillon ou sortir un poisson de l’océan. C’est vraiment ma plus grande passion. Certains c’est la danse, le chant, le football, le dessin, moi c’est l’équitation. Je trouve les chevaux tellement merveilleux. J’aime le fait de pouvoir créer un lien avec un animal, une confiance mutuelle qui n’a pas besoin de mots pour exister. Avec Dawn j’ai cette complicité, qui ne cesse de se renforcer et de s’agrandir au fil des années qui passent. Ce n’est pas un cheval avec le meilleur caractère du monde, mais je trouve plus intéressant de monter un cheval qui parfois résiste un peu à vos ordres, plutôt qu’un animal tout mou qui se contente d’obéir. Il est bien dressé quand même mon Dawn, juste … Caractériel.

Je réfléchis quelques secondes à la question que me pose Ji Na.


Je connais en effet un café pas très loin. Je n’y suis pas allé très souvent, mais suffisamment pour juger que c’est un endroit agréable. Nous prenons place sur la terrasse du café, hors de question de s’enfermer alors qu’il fait si beau dehors. Cependant l’ombre d’un parasol n’est pas de refus. Un serveur s’approche de nous.


Oui, ça peut faire boisson de gamin, mais je suis accros à ce genre de sirop, que voulez-vous que je vous dise. Puis tournant mon regard vers Ji Na je m’adresse à elle.


Nous pouvons bien profiter d’être ici pour se rafraîchir, de plus je viens de décider que ce serait moi qui payerais nos de deux consommations et Ji Na n’a pas intérêt de refuser par politesse ou je ne sais trop quoi d’autre …

Ji Na se contente d’un verre d’eau, alors que je prouve une fois de plus mon incapacité à me passer de sucre. Je compte bien continuer cette conversation, pour apprendre à connaître ma petite protégée d’il y a quelques années. Sauf, que je ne sais pas vraiment comment m’y prendre. Non n’avons jamais été proches, je ne lui ai jamais vraiment adressé la parole, à part quelques banalités et politesses, quand je l’aidais. Rien d’intime, rien de personnel, je peux même dire, rien d’amical. Je l’aidais juste, car je pensais qu’elle n’avait pas à subir tout ça. Je me rendais utile, autant que je le pouvais.

D’après Ji Na je n’ai pas changé, du moins physiquement. Oui, parce que mentalement … J’ai changé, mais ça elle ne peut pas le savoir. Avant mes sourires étaient vrais, sincères, maintenant c’est juste un masque. Je ne m’accapare pas tous les malheurs du monde, parfois je suis heureux sans jouer la comédie –et heureusement j’ai envie de dire. Je veux juste dire par là, qu’avant mes sourires et ma joie de vivre ne cachait rien. Désormais tout ça me sert de bouclier, de cachette pour préserver mes secrets.


Je souris toujours. Le serveur nous apporte nos commandes ainsi que l’addition. Après un remerciement, je continue.


Ji Na est devenue une jolie jeune femme. Elle a l’air plus confiante, plus heureuse. Ce ne sont que des impressions, par rapport à l’image que j’ai de Ji Na, dans mes souvenirs. Est-ce que c’est vrai, est-ce que c’est faux ? Je ne suis sûr de rien. Je me base sur des apparences, alors que je sais très bien qu’elles peuvent être trompeuses. J’en suis une des preuves vivantes. Je n’aime pas me baser sur des aprioris, mais avec Ji Na je n’ai pas vraiment le choix. Enfin ce n’est pas comme si j’avais un jugement négatif d’elle. Je me surprends juste à espérer pour elle que ce sourire qu’elle affiche est sincère et pas un masque comme le miens …

Même si la situation peut paraître assez étrange, si nous prenons en compte le fait qu’avant nous ne nous étions jamais réellement parlés. J’ai envie de discuter avec Ji Na comme si nous avions étés des amis dans le passer. Faire connaissance. Faire ce que je n’ai pas fait quand nous étions enfant. Je n’ai jamais cherché à la connaître vraiment, je l’aidais juste. Avec du recul je me dis que j’ai eu tort d’agir comme ça. Je ne sais pas comment elle était avant, mais pour le moment je la trouve sympathique. Enfin ce n’est pas en dix minutes que je peux juger, mais bon …


Je suis sûr que la tête de nos anciens camarades vaudrait le détour, ouais vraiment j’aimerais bien voir ça, même si c’est impossible. Je comprends ses paroles et sa façon de penser. Enfin, je veux dire, même si je ne me suis jamais retrouvé dans un cas similaire, subir des moqueries et des railleries à longueur de temps, ça ne doit pas être génial. C’est pour ça que je prenais sa défense. J’essayais en quelque sorte de lui montrer que même si le monde est peuplé d’abrutis parfois, il y avait tout de même des gens pour l’accepter tel qu’elle était.


Répondis-je à sa question. Vous voyez, nous parlions tellement peu à l’époque, qu’elle ignore jusqu’à mon âge.


J’ai de vagues souvenirs, tout ce que je peux dire c’est que nous n’avons jamais été dans la même classe.


Avouais-je à Ji Na en toute sincérité. C’est vraiment ce que je pense à l’instant. Peut-être que nous pourrons apprendre à mieux nous connaître, à défaut de l’avoir fait quand nous étions plus jeune.

La chaleur de cette après-midi me force à reprendre une gorgée de la boisson que j’ai commandé quelques instants plutôt et finalement je finis mon verre d’une traite. Je repose mon verre sur la table, tout en écoutant Ji Na parler. Un sourire se dessine sur mes lèvres quand elle avoue ne plus savoir si elle doit me tutoyer désormais. Un peu taquin je lui réponds :


Je sais qu’en Corée les relations aîné/cadet sont régies par certaines règles, surtout quand on ne connait pas la personne à qui on s’adresse. Mais ça ne me dérange aucunement que Ji Na utilise le tutoiement pour s’adresser à moi. Nous avons seulement deux ans d’écart et puis même, je n’ai pas envie qu’elle me vouvoie, ça me ferait bizarre … Après si elle y tient vraiment, libre à elle.


Je nous revois encore dans la cour de primaire alors qu’une bande d’idiot se moquait de Ji Na et que comme toujours je débarquais pour les faire dégager, un remerciement et chacun retournait à ses occupations. C’était toujours comme ça, pas un mot de plus, ni un de moins. Puis Ji Na exprime son désir que nous partions sur de bonnes bases. Je souris, puisque j’ai pensé à peu près la même chose quelques secondes plutôt. Je voudrais apprendre à la connaître, mais je ne sais pas vraiment par où commencer … Au hasard j’aborde un sujet qu’elle devrait apprécier, je pense.


Voilà, autant commencer par quelque chose. Je trouve ça étrange de me dire qu’elle travaille déjà et que je suis encore étudiant, alors que je suis plus vieux. Mais si elle aime ce qu’elle fait tant mieux. Et dans un sens je travaille aussi, même si ce n’est qu’un petit boulot à mi-temps.

Comme je m’y attendais le fait que j’aborde le sujet de la coiffure, à l’air de faire plaisir à Ji Na. Du moins c’est ce que me laisse penser son sourire. J’imagine que si elle est devenue coiffeuse, c’est qu’elle doit aimer ce métier … À moins qu’elle y soit juste contrainte. Non, je ne pense pas. Le sourire de Ji Na à l’air sincère, alors j’exclue cette hypothèse, je pense qu’elle aime vraiment ce qu’elle fait. Et puis elle me l’a dit elle-même tout à l’heure, qu’elle aimait ça, donc … Au moins en abordant ce sujet, je suis sûr que la conversation ne l’ennuiera pas. Un sourire amusé se dessine sur mon visage, quand elle me raconte sa petite anecdote. Et je ne peux m’empêcher de commenter, qu’elle a de la chance de faire un métier qui lui plait et que j’aimerais être aussi chanceux plus tard. Ça c’est sûr que c’est toujours mieux de faire quelque chose qui plait, même si mon rêve parait un peu fou aux yeux de certains, je ferais tout pour le réaliser et si j’échoue … J’espère au moins pouvoir faire un métier dans le milieu équin.


Et comme quand je parle d’équitation, je parle toujours trop quitte à endormir mon interlocuteur, je ne peux m’empêcher d’ajouter :

Je n’aime pas trop parler de mon frère ou même seulement y faire allusion comme maintenant … Mai c’est sorti tout seul, alors …